EN BREF
Cette manière de travailler préconise de ne laisser ses pieds toucher que le moins possible le sol, afin d’accroître sa créativité.
D’OÙ ÇA VIENT ?
Pour comprendre d’où provient cette curieuse pratique, il faut remonter en 2017. À l’époque, les influenceurs Kevin Freshwater et Jahannah James créent le buzz avec des vidéos lançant le phénomène « The floor is lava ». Le principe est simple : à chaque fois qu’est prononcée la phrase « Le sol est de lave », les participants ont cinq secondes pour se mettre à l’abri en hauteur.
Quel rapport avec ces collègues semelles levées, reposées sur la bordure de leur bureau, telles des voiles prêtes à prendre le vent ? L’entreprise canadienne Incarnat qui, dans une note interne intitulée « Pieds brûlants », préconise à ses employés de poser leurs petons sur la table, afin de doper leur créativité.
Absurde ? Pas tellement : l’entreprise se base sur une étude sérieuse de la Creatine Institute, analysant les meilleures postures pour faire fleurir les nouvelles idées. Les résultats parlent d’eux-mêmes : la position pieds sur table augmente la créativité de 51 %, talonnée par le « stand desking » (ou « bureau debout »), affichant un score de 42 %. Le mauvais élève de l’émulation : la position assise, qui « ankylose jusqu’à endormir toute proactivité ».
UN EXEMPLE ?
Les salariés d’Incarnat croient d’abord à une blague mais décident d’adopter la mesure. Certains vont même jusqu’à placer des boîtes à des endroits stratégiques de l’open space, pour ne jamais avoir à toucher le sol en travaillant. D’ailleurs, la mesure fonctionne : plus détendus, élancés en arrière sur leur chaise, les employés de la boîte déploient un horizon plus large et libèrent leur imagination.
ET ENSUITE ?
La manière dont nous nous tenons derrière notre poste de travail en dit long sur notre rapport à notre environnement. Un certain relâchement – qu’il s’agisse d’une sieste affalé devant son ordi ou bien carrément des audacieux pieds sur la table – témoigne d’une aisance avec son entourage, comme d’une appropriation de son espace de travail. À l’heure du flex office et de l’hybridation des lieux de travail, c’est plutôt bon signe !
L’assurance du « feet desker » provient aussi du fait qu’il sait qu’on ne lui tiendra pas rigueur de ses petites bravades, car il fait le job, et plutôt bien. Après tout, ce salarié ne tente que de repousser les murs de son espace personnel, à coups de jambes étendues en mode transat estival. En ce sens, il défend, à la manière du philosophe américain Henry David Thoreau, une certaine liberté corporelle entravée par l’espace bien souvent artificiel du lieu de travail : « L’homme n’a pas été fait si fortement charpenté ni si robuste, pour qu’il lui faille chercher à rétrécir son univers, et entourer de murs un espace à sa taille » (Walden ou la Vie dans les bois, 1854). Délivré du regard des autres et de la gouvernance de son corps, l’employé peut se plonger de tout son être dans son travail.
ET CONCRÈTEMENT ?
Attention cependant à ne pas perdre pied… en perdant de vue l’objectif de la créativité. Durant l’Antiquité, on se moquait déjà du philosophe Thalès, tombé dans un puits à force de trop regarder les étoiles – et pas assez devant lui. Se laisser aller en arrière en appuyant vos omoplates sur le dossier de votre chaise tout en fichant vos chausses sur le rebord de votre table ne doit pas vous faire oublier l’endroit où vous êtes : au boulot !
DISCLAIMER : ce papier est un poisson d’avril ! À ne pas trop prendre au sérieux...