Le Français Manu Cornet a travaillé quatorze ans chez Google et deux ans chez Twitter. Au début, il aimait l’esprit pionnier et l’éthique de la tech. Déçu par l’évolution de la Silicon Valley, il a fait preuve d’un esprit gentiment frondeur qui n’a pas plu aux grands chefs – notamment par le moyen de ses petites caricatures, dont nous reproduisons certaines. Il raconte Twitter de l’intérieur, au moment du rachat du réseau social par le milliardaire Elon Musk.

Propos recueillis par Sophie Gherardi.

 

Comment s’est passée l’arrivée d’Elon Musk à Twitter ?

Manu Cornet : Les choses ont été très lentes au début, très rapides ensuite. Elon Musk a mis six mois à acheter Twitter. J’attends l’enquête journalistique qui racontera le dessous des cartes de ce rachat. S’est-il agi d’un achat impulsif, ou d’un montage financier permettant de justifier qu’il se débarrasse d’un paquet d’actions de Tesla ? En tout cas, il a acheté Twitter pour 44 milliards de dollars, un cours supérieur au cours de la Bourse. Ce n’a rien d’anormal en principe, sauf qu’entre la première fois où il en a parlé et le moment où la vente s’est faite, l’économie de la tech n’allait plus aussi bien. En tout cas, pour les employés de Twitter qui attendaient de savoir à quelle sauce ils seraient mangés, cela a paru long.

« Twitter ? Oh, on a laissé ça infuser. » © Manu Cornet

 

Quand Elon Musk est arrivé au siège de Twitter en portant un lavabo (sink), j’ai trouvé ça plutôt marrant qu’un milliardaire fasse ça, juste pour le plaisir du jeu de mots : Let that sink in, mettez-vous bien ça dans le crâne. Mais j’ai vite déchanté. Des rumeurs couraient : certains disaient qu’il allait licencier 75 % des employés, d’autres 50 %. J’ai été le premier ingénieur viré, mais le chef qui m’a viré, son chef à lui, et le chef de son chef, et encore les échelons au-dessus, se sont retrouvés dehors peu après.

 

“Quand on veut licencier plus de la moitié des effectifs, tous les prétextes sont bons”

 

Que vous reprochait-on ?

La cause qui me semble la plus évidente est que j’ai créé un petit outil informatique pour permettre à mes collègues de sauvegarder plus facilement certaines informations de leur boîte mail professionnelle en vue de leur future carrière. Il ne s’agissait pas de s’emparer de matériel confidentiel, mais juste de choses utiles pour valoriser leur CV. C’est vrai que comme tous les outils, certains pouvaient l’utiliser à mauvais escient. En tout cas, les RH ne sont pas là pour aider les employés à rebondir, et j’ai été viré une heure après avoir diffusé ma solution. Mais quand on veut licencier plus de la moitié des effectifs, tous les prétextes sont bons.

 

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