De plus en plus de femmes, seules ou en couple, ont recours à la procréation médicalement assistée (PMA) depuis son élargissement par la loi de bioéthique de 2021. Parcours médical souvent lourd et chronophage, la PMA est un droit encore mal appliqué dans le monde du travail. Et si la réticence de certains employeurs mettait en lumière que la grossesse n’est pas seulement un désir intime, mais aussi… un travail en soi ? Éclairage.

Juliette a 39 ans. En 2019, cette juriste a donné naissance à Ninon, une enfant née par procréation médicalement assistée (PMA). Jusqu’à ce que son ventre s’arrondisse au quatrième mois de grossesse, ses collègues ne savaient rien de sa démarche un peu particulière. Une réticence largement partagée : plus d’une femme sur deux engagée dans une démarche de fécondation in vitro (FIV) ne se sent pas en mesure d’en parler à son employeur, d’après une récente étude britannique Zurich UK.

 

« J’avais peur de devoir me justifier »

« J’ai vraiment mal vécu cette période, nous confie-t-elle, avec le recul. Je devais me lever à six heures du matin pour aller courir tous les gynécos ou les labos possibles, ça a été un stress monumental. À cause des hormones, je dormais mal, j’avais le ventre gonflé et à la fin des injections j’avais des nausées terribles, je me levais la nuit pour cuisiner des pâtes, seule façon de les calmer. » Pour une FIV, il faut compter deux bonnes semaines de prise d’hormones, plusieurs rendez-vous médicaux – souvent loin du travail – ainsi qu’une ponction ovocytaire en fin de parcours qui peut justifier un arrêt maladie de plusieurs jours, du fait de douleurs parfois prononcées et d’un contrecoup psychologique pouvant se révéler important chez certaines femmes.

Si Juliette a tu sa démarche à ses collègues, c’est « par pudeur » mais aussi « par peur de l’échec, de la déception ». « Je redoutais que la FIV ne marche pas et que je ne sache pas comment le gérer au bureau. À qui en parler ? Comment ? J’ai donc préféré vivre ce parcours de manière intérieure. » Bien que sa supérieure hiérarchique soit, à cette époque, « quelqu’un de compréhensif », Juliette a opté pour la stratégie de l’évitement. « Je faisais en sorte que mon planning ne soit pas trop chargé, que je n’aie pas trop de réunions. Je cachais mon ventre avec des chemises larges : la mode oversize m’a bien aidée ! Comme je badgeais et que je devais justifier mes absences, je disais que j’avais un rendez-vous médical, sans plus de précisions. » Par chance, Juliette tombe enceinte du premier coup et la grossesse va à son terme.

 

“Début 2023, 23 000 premières consultations pour une PMA avaient déjà eu lieu”

 

Un droit inscrit dans le Code du travail

En France, la PMA est accessible aux couples hétérosexuels depuis 1994. À ces débuts, peu de femmes et d’hommes la pratiquaient : au tournant des années 2000, seuls 2 % des enfants nés en France devaient leur existence à une PMA, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined). En 2019, avec l’augmentation progressive de l’âge moyen des grossesses chez les femmes et les problèmes de fertilité grandissants, on est passé à 3,7 %. Une nouvelle dynamique s’est engagée en 2021, année où la France a rendu accessible la PMA aux femmes seules et aux couples de lesbiennes. Si le nombre de naissances consécutives à cette loi bioéthique s’avère pour l’instant réduit, du fait de délais de mise en place assez longs, on sait que début 2023, pas moins de 23 000 premières consultations pour une demande de PMA avaient déjà eu lieu. La majorité émanaient de femmes hétérosexuelles célibataires.

 

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