Chouquettes, chocolat, biscuits ou fruits : tout le monde grignote au bureau. Contrairement aux repas, ces picorages intempestifs ne viennent pas nécessairement combler une petite faim. Défouloir, passe-temps, remède à la solitude ou au vide existentiel : analyse de ce qui nous pousse à grignoter.

Vous le connaissez, ce bruit émoustillant, ce froissement du plastique qui fait immédiatement saliver… Le summum de l’érotisme reste la déchirure du sachet qui expose le biscuit dans toute sa délicieuse nudité et vous donne l’eau à la bouche. Le péché du grignotage est sans doute de ceux qui font le plus d’adeptes. Une étude réalisée par l’Ifop pour Lavazza en 2019 rapporte que près d’un salarié sur deux est régulièrement exposé à la tentation au travail. Le télétravail n’améliore pas les choses : le grignotage augmenterait de 8 % chez les télétravailleurs et la consommation de chocolat de 22 %, d’après une étude du Crédoc pour l’Institut Danone, menée en 2022 sur des employés de cette multinationale alimentaire. Quelle fonction peuvent bien remplir les picorages entre les repas ? Cinq explications philosophiques.

 

1. Des chips souffre-douleur

Ces archives, quel foutoir ! Ce compte rendu, ni fait ni à faire… Découragement ? Un croissant ! Frustration ? Collation ! Certains grignotages sont déclenchés par la colère et l’impuissance. Ils sont une procrastination, déguisée en pause salvatrice au retour de laquelle on pense pouvoir s’atteler à notre préoccupation, l’esprit mieux disposé. Quand je ne sais pas comment résoudre ce problème, je me lève en direction de la cuisine. Quand je pulvérise ce sachet de chips, je déplace l’objet de ma rage et décharge ma pulsion destructrice. Immobilisé par une difficulté, je reporte toute l’énergie que je n’arrive pas à faire fructifier ailleurs. Hélas, flatter son palais ne résout pas les problèmes de l’esprit et alourdit le sentiment d’impuissance d’un lot de culpabilité !

 

“De l’impuissance liée à une situation frustrante découle une pulsion destructrice”

 

On peut interpréter ces pulsions voraces à la lumière de la théorie de Freud sur les pulsions. Une pulsion sexuelle, affirme-t-il, a deux destins possibles : être satisfaite ou sublimée, c’est-à-dire transformée et dirigée vers d’autres finalités plus nobles. La sublimation, c’est « cette capacité d’échanger le but sexuel originaire contre un autre but qui n’est plus sexuel », le tout « sans perdre pour l’essentiel de son intensité » (La Morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes, 1908). À en croire Freud, l’abstinence serait donc un facteur de productivité inestimable : « La pulsion sexuelle [sublimée] met à la disposition du travail culturel des quantités de forces extraordinairement grandes ». On pourrait décliner l’idée et l’appliquer aux pulsions de picorage : de l’impuissance liée à une situation frustrante découle une pulsion destructrice. Cette pulsion, je peux la satisfaire en m’acharnant sur un éclair au chocolat… ou bien la sublimer et profiter de la force qu’elle me donne pour m’attaquer, énergique et revigoré, à la source initiale de ma frustration. Archives en foutoir, satanés compte rendus : à nous deux !

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