Tout le monde procrastine – et pour cause: ce n’est pas si grave. En réalité, la procrastination relève surtout d’un processus de travail différent, argue l’essayiste Mathilde Ramadier, qui publie Apprivoiser sa procrastination (Eyrolles, 2023). Et d’un fonctionnement mental tout ce qu’il y a de plus naturel… Alors, il est temps de dédramatiser la chose !

Propos recueillis par Apolline Guillot.

 

La procrastination est-elle le mal du siècle ?

Mathilde Ramadier : Le terme de procrastination est ancien : il vient du latin pro-crastinare, qui signifie littéralement « remettre au lendemain, ajourner », et apparaît en français au XVIe siècle. Longtemps resté rare, il se popularise depuis une quinzaine d’années. Peut-être parce qu’on cherche, dans notre logique productiviste, à nommer le mal pour mieux l’éliminer – et quel vilain nom !

Il faut se défaire de l’idée que la procrastination ne concernerait que quelques moutons noirs, isolés du reste des gens fonctionnels. D’après une étude menée par l’institut Odoxa en 2019, nous serions 85 % à procrastiner de façon chronique. Et je pense que les 15 % restants ont procrastiné leur réponse au sondage ! Par ailleurs, la procrastination se distingue de la paresse ou de l’oisiveté : les gens qui procrastinent ne font souvent pas moins que les autres, ils le font juste différemment. Il ne faut pas moraliser la procrastination, mais plutôt essayer de la comprendre.

 

À l’aide des neurosciences, par exemple ? Que se passe-t-il dans le cerveau d’une personne qui procrastine ?

En 2018, une équipe de chercheurs allemands a montré que chez les procrastinateurs, l’amygdale, qui gère à la fois le plaisir et l’anxiété, est plus volumineuse. Par ailleurs, ils constatent que la connexion entre l’amygdale et le cortex cingulaire, le siège du raisonnement, est plus faible chez les personnes qui procrastinent. L’activité entre les deux zones est moins importante : par conséquent, le cortex a plus de mal à faire le tri entre les actions à réaliser et celles qu’il faut annuler.

 

“La procrastination relève d’un conflit psychique, entre le principe de plaisir et le principe de réalité”

 

Mais ces raisons biologiques n’expliquent pas tout…

La procrastination relève d’un conflit psychique, entre le principe de plaisir et le principe de réalité. Pour Freud, la tension entre ces deux principes est précisément ce qui nous maintient en vie, c’est l’un des duos les plus fondamentaux de notre vie psychique – et c’est pour cela d’a…

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