« Mais où est-il passé ? » Ne cherchez plus, votre poste de travail se trouve désormais au sein d’un bureau partagé mi-vitré avec vos collaborateurs les plus proches. Plic, ploc, les postes de travail sont placés tête-bêche, entre des fauteuils et des box d’insonorisation. Vous êtes perdu ? Pas de panique, on vous explique pourquoi et comment les bureaux ont changé. Enquête.

Qui dit boulot, dit bureau. Mais y allez-vous encore ? Pas si sûr, si vous vous contentez de bondir hors du lit pour atterrir sur la table de votre salon ! Selon l’Institut Paris Région, 43 % de la population d’Île-de-France travaille ainsi à distance, en moyenne 2,6 jours par semaine. Si le phénomène se caractérise par de grandes disparités et des inégalités d’accès, il est désormais un incontournable. Il n’était pourtant qu’anecdotique avant les années 2000, et marginal avant la période covidéenne – un temps que les moins de quatre ans ne peuvent pas connaître.

Le bureau change, certes, mais il n’y a là rien de nouveau sous les néons blafards : il a toujours été mutant. Dans son ouvrage Ethnologie du bureau (Métailié, 2020), le sociologue Pascal Dibie soulignait déjà la dimension historique du bureau : non, nous n’avons pas toujours été des « Homo sedens », des salariés assis au travail. Les travailleurs ont été progressivement assis derrière un bureau, et singulièrement en dehors de chez eux, dans des ateliers ou des centres administratifs. Si aujourd’hui le bureau prend l’eau, il ne sombre pas pour autant : « à raison de sept heures par jour réparties sur deux cent vingt-trois jours en moyenne, [cela] donne mille trois cent trente-huit heures chrono de bureau sur une année scolaire ». En enlevant quelques poussières de « TT », le bureau demeure un incontournable. Preuve en est que le télétravail se définit par rapport à un travail en présentiel, et non l’inverse.

 

“Le bureau, il faut qu’il ait un souffle”

—Vincent Dubois, DG associé d’Archimage

 

Selon Vincent Dubois, directeur général associé d’Archimage, une agence d’architecture spécialisée dans l’aménagement des bureaux (notamment ceux de L’Oréal ou d’Air France) il faut repartir de cette dimension dynamique pour proposer un autre modèle : « Face à la tentation d’un bureau qui meurt, il s’agit de le rendre vivant. » Comment faire ? « Il faut que le bureau soit animé au sens initial de l’anima, c’est-à-dire de l’âme : le bureau, il faut qu’il ait un souffle. »

 

Le grand vide du bureau

Un souffle qui pourrait bien avoir du mal à prendre : « s’il y a 40 % de fréquentation d’un bureau, cela laisse 60 % de vide ». L’enjeu est donc de faire revenir en présentiel les salariés, quand ces derniers ne veulent pas faire machine arrière sur un télétravail qui « a été accordé sans demander de contreparties » ; or, « on sait qu’en France, il est très difficile de reprendre ce qui a été acquis ». C’est que le « coût du vide » est exorbitant pour les entreprises. D’abord, « il y a le coût financier » : le loyer, un des premiers coûts des entreprises du secteur des services, devient un poids lorsqu’une partie non négligeable de la surface de bureau est désaffectée. À l’échelle de l’Île-de-France, il s’agirait, selon l’Institut Paris Région, de près de 4,4 millions de mètres carrés désertés par les travailleurs à la mi-2022. L’équivalent d’environ 650 terrains de football mis en jachère.

 

“Le vide des bureaux appelant le vide, les salariés ont de moins en moins envie d’y retourner”

 

Plus que le coût économique des bureaux inutilisés, le vide a aussi pour conséquence un « coût psychologique ». Alors que le salarié se rend notamment au bureau pour les interactions sociales et pour cultiver son lien salarial, le trouver balayé par le seul courant d’air d’un ventilateur en roue libre est une expérience plus que déprimante. Si bien que le télétravail entraîne un cercle vicieux au bureau : le vide des bureaux appelant le vide, les salariés ont de moins en moins envie d’y retourner. Tout l’enjeu, pour une entreprise, est donc de rendre désirable le bureau et de faire revenir les salariés. Pour Vincent Dubois, lutter contre le cercle vicieux du vide passe par un changement d’aménagement qui tend à le rendre plus vivant. « Au moyen d’animation culturelle, de plantes, de couleurs, une série de choses qui sont en mouvement, il faut essayer de faire revenir les gens au bureau par plaisir. Pour cela, on cherche ce qu’ils n’ont pas chez eux : la convivialité, la connectivité. C’est pour cela qu’il ne faut pas trop atomiser la présence des salariés lorsqu’ils viennent au bureau, il s’agit de trouver un équilibre ».

Comme l’affirme la sociologue du travail Dominique Méda dans un entretien publié dans À distance. La révolution du télétravail (Les Cahiers de l’Institut Paris Région, n°181, 2023), le télétravail détricote le « lien salarial », les « employés devenant peu à peu des prestataires, des sous-traitants, des autoentrepreneurs ». Rendre le bureau plus vivant peut pallier ce phénomène et favoriser sa réhabilitation : jusqu’à remplacer le cercle vicieux d…

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