Corruption, affaire de mœurs, évasion fiscale… il n’y a rien de mieux qu’un bon gros scandale pour fasciner les foules et électriser les médias. Pour une entreprise, l’emballement médiatique peut être fatal. Mais le scandale peut également s’accompagner de réformes salvatrices. D’où nous vient ce goût du scandale, et quelles sont ses caractéristiques ? Pauline Elie dissèque cette notion.
Dans les journaux, un scandale en chasse un autre. Un PDG fuit son arrestation dans un caisson (Carlos Ghosn) ? Une dirigeante ment à ses investisseurs sur la faisabilité de son innovation (Elizabeth Holmes et Theranos) ? Corruption, affaire de mœurs, évasion fiscale : pas un motif n’échappe au scandale, ou à sa notification sur téléphone ! Mais gare aux rumeurs et à la diffamation. Lorsque le scandale constitue un modèle économique rythmant notre rapport à l’information, que faire face à son instrumentalisation ? Désastreux pour l’image de l’entreprise, surtout si ses causes ne sont pas corrigées à temps, le scandale peut toutefois être salvateur : prises au bon moment, les réformes qu’il entraîne bonifient la confiance des clients et les revenus.
De l’affaire au scandale
Étymologiquement,« scandalum », en latin, décrit une chose sur laquelle on trébuche, ou une pierre d’achoppement, c’est-à-dire une difficulté. Le terme est discuté par les écrits chrétiens. Rejoignant Jérusalem, Jésus rétorque à l’apôtre Pierre qui cherche à le retenir : « Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais scandale, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! » (Mt 16 : 23). Le scandale corromprait la pensée. Dans sa Somme théologique (1266-1273), saint Thomas d’Aquin dégage deux types de scandales, actif ou passif, « de soi, ou par accident ». À échelle de l’entreprise, les scandales peuvent provenir des personnes présentes en interne (employés, managers, gouvernance) ou issues de l’extérieur (concurrents, institutions, clients…). Ils se matérialisent en perte de revenus, licenciement, faillite, démantèlement, etc.
“L’affaire, contrairement au scandale, scinderait plus qu’elle ne rallierait”
Car, témoin de l’immoralité, le scandale choque : l’opinion bascule dans une condamnation unanime ou une division, suivant le camp des partisans. De nombreux auteurs distinguent alors le scandale de l’affaire : cette dernière, contrairement au premier, scinderait plus qu’elle ne rallierait. Par exemple, le « scandale de l’amiante » désigne la réprobation unanime de la corruption des institutions françaises au détriment de la santé publique. A contrario, « l’affaire Dreyfus » marque une scission entre « dreyfusards » et « antidreyfusards ». Pourtant, notent les historiens Émilie Dosquet et François-Xavier Petit dans leur article « Faire scandale » en 2013, affaire et scandale seraient plutôt des « extrémités idéal-typiques d’un continuum » : le scandale peut se muer en affaire lorsqu’un « retournement de l’accusation vers l’accusateur » rompt l’unanimité de la désapprobation qu’il suscite. Les accusations de viol portées en 2011 par Nafissatou Diallo, femme de cha…
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