Une entreprise régénérative pour faire face aux défis du changement climatique : voilà le projet de Christophe Sempels, qu’il poursuit au quotidien dans son centre de recherche et de formation. L’idée : ne plus se contenter de réduire les impacts négatifs des entreprises, mais promouvoir un modèle à impact positif net sur les écosystèmes et sur la société. Comment ? On lui a posé la question.

Propos recueillis par Anne-Sophie Moreau

 

Vous jugez les politiques RSE des entreprises pour la plupart insuffisantes. Pourquoi ?

Christophe Sempels : Dans la très grande majorité des cas, les entreprises se contentent de réduire les impacts négatifs de leur activité sur les écosystèmes et les communautés humaines. Mais elles continuent à peser sur des écosystèmes déjà mis sous pression. Une étude de mai 2023 publiée dans Nature conclut que sept limites planétaires ont été dépassées sur les huit évaluées, dont certaines de manière préoccupante, comme l’atteinte à la biodiversité. Dans ce contexte, on ne peut se satisfaire d’une politique RSE qui vise à réduire l’impact négatif d’une activité sur l’environnement tout en continuant à peser négativement sur des processus qui ont déjà franchi leur seuil d’alerte : c’est comme si vous aviez une baignoire dont le bouchon est fermé et le robinet grand ouvert, qui est pleine et qui déborde, et que vous réduisiez d’un quart le débit du robinet en espérant arrêter l’inondation ! Il faut viser l’impact positif net, c’est-à-dire ramener les limites planétaires sous leur seuil de sécurité.

 

“La régénération consiste à recréer des conditions permettant à un écosystème d’exprimer son potentiel”

 

Vous défendez le modèle de « lentreprise régénérative ». Comment la définissez-vous ?

On présente souvent la régénération socioécologique (puisqu’on parle à la fois de régénération écologique mais également de régénération sociale) comme étant la capacité de générer des impacts positifs nets sur les écosystèmes et les communautés humaines. De manière plus subtile, il s’agit de recréer des conditions permettant à des écosystèmes et/ou à des communautés humaines d’exprimer leur potentiel en termes de création continue, c’est-à-dire de création de matière et d’échanges de flux d’information sans générer d’impact négatif, mais au contraire de nombreux effets positifs.

À noter – et c’est important – que la régénération est une propriété exclusive du vivant. Prenez un vase, cassez-le ; il ne va pas se réparer de lui-même. Coupez-vous le doigt en cuisinant, un processus de régénération de vos cellules et tissus va se mettre en œuvre de manière spontanée et endogène. Afin d’illustrer cette capacité à exprimer un potentiel, prenons un écosystème forestier riche et diversifié. Chaque arbre va, en créant sa propre matière organique, séquestrer du carbone, être un refuge de biodiversité, réguler le cycle de l’eau, améliorer la fertilité des sols… Si nous exploitons cette forêt, que nous la restreignons autour d’une espèce d’arbre, ou pire, si nous artificialisons cet écosystème, nous entravons, voire supprimons sa capacité à exprimer ses nombreux bénéfices. Par extension, l’entreprise régénérative est une entreprise qui cherche à générer des impacts positifs nets sur les écosystèmes et sur les communautés humaines en recréant les conditions leur permettant d’exprimer leur potentiel.

 

Comment recréer ces conditions ? Suffit-il de laisser la nature se régénérer toute seule ?

Il faut engager deux mouvements de manière concomitante. Le premier, c’est un mouvement de réduction des impacts négatifs de l’entreprise aux seuils incompressibles, c’est-à-dire aux seuils prescrits par la science. Par exemple, le Science Based Targets initiative dit que pour respecter une trajectoire de réchauffement climatique de maximum 1,5°C (ce qui devient de plus en plus hors de portée), il faut une réduction des émissions de gaz à effet de serre moyenne tous secteurs confondus de 42 % entre 2020 et 2030, et de 90 % entre 2020 et 2050. Les émissions résiduelles acceptables sont donc de 10 % à horizon 2050. Il y a des activités qui ne vont pas arriver à réduire leurs émis…

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