Quand vous parlez de votre travail à des amis, vous dites plutôt « nous » ou « ils » ? Ces petits pronoms d’apparence anodine révèlent bien des choses de la manière dont nous nous représentons le collectif et les rapports sociaux qui s’y jouent. Et pour qui sait en user, ils ont même le pouvoir de les modifier... jusqu’à l’abus. Décryptage.

« Le pronom personnel n’est pas quelque chose de dérivé, qui remplace les noms (et les choses), remarque le philosophe tchèque Jan Patočka. Il est, au contraire, plus originaire que tous les noms et toutes les choses » (« L’espace et sa problématique », 1960). Derrière un simple « tu » qui nous interpelle se cache un acte de positionnement dans l’espace social du travail. Nous ne devenons réellement quelqu’un par rapport au groupe que lorsque nous sommes appelés, projetés soudain dans une réalité partagée. Avant, nous sommes « comme un ça, continuellement présent », travaillant sans trop nous poser de question sur qui nous sommes pour les autres.

L’interpellation par le « tu » nous situe d’emblée dans un rapport d’intimité. « Se déploie tout à fait naturellement le rapport du je à un certain nombre de tu privilégiés, aux personnes qui nous interpellent et exercent sur nous une influence particulièrement profonde et intime », note Patočka. Un collègue vous alpague, et c’est tout un monde qui s’ouvre aux observateurs extérieurs : un univers de privilèges amicaux… et de jeux de pouvoir. Entre la complicité d’un « Tu peux m’aider à compléter ce doc ? » et l’influence dominatrice d’un « Tu me ramènes un café ? » peuvent se nouer de sourdes inimitiés mal digérées.

Dans l’emploi du mauvais pronom peut aussi se cacher une logique d’usurpation et de tromperie. En binôme, vous étiez censé réaliser un nouveau plan d’action cette année. Sauf que voilà, le binôme s’est transformé en monôme : vous avez hérité de tout le travail que vous avez épluché pendant de longues nuits en solitaire. En réunion, votre « binôme » déclare « J’ai réalisé un super plan… ». Lapsus ou pas, l’usage du pronom « je »…

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