Le rugby, une leçon de transmission

Le jeu de la passe et la mêlée sont de belles métaphores du geste de transmettre. Le premier est aisé à décrypter. En apparence, rien de révolutionnaire : c’est un simple moyen de faire circuler le ballon, un des premiers jeux de l’enfance. Faire la passe à l’autre, accélérer, ralentir, feinter, évaluer ainsi les capacités de réception et d’adresse. Mais au rugby, la passe ne se limite pas à un simple passage de relais – ce qui serait un peu réducteur comme métaphore de la transmission. Si on dit à un enfant ou à un collègue : « voici comment on vit, voici comment on travaille, surtout ne change rien », ce n’est pas une véritable transmission mais un simple legs à l’identique, qui ne vise que sa conservation sans laisser de la place à la création. Au rugby, le jeu de la passe est plus dynamique et inventif : le ballon a la particularité d’être ovale et de rebondir de façon imprévisible. Il est considéré comme un objet vivant : il faut littéralement le féconder. C’est le seul sport où l’on avance collectivement en faisant la passe à celui qui est derrière soi : pour aller de l’avant et inventer l’avenir ensemble, il faut aussi savoir se retourner vers ceux que l’on devance. L’essentiel du jeu de la passe repose sur cet art risqué de la réception d’un héritage, qui consiste à conserver le ballon et à le faire circuler à son tour, de telle sorte qu’il reste vivant.

Au premier abord, la mêlée est plus difficile à pénétrer, surtout pour une simple spectatrice : on ne sait pas vraiment ce qui s’y passe. À l’issue d’un match, j’ai compris que la mêlée était en réalité un acte de délivrance collective du ballon, comparable à la maïeutique en philosophie – cet art d’accoucher les idées. Il s’agissait du match France-Pays de Galles lors du Tournoi des Six Nations 2017 –&nbs…