HPI, hypersensible, TDAH… Depuis quelques années, ces diagnostics fleurissent, chez les enfants mais aussi chez les adultes. À tel point que certains en viennent à se méfier de ces étiquettes qui peuvent ressembler à des excuses faciles pour échapper aux critiques. Alors, que faire quand ces acronymes s’immiscent dans le monde du travail ? Faut-il s’adapter, et si oui, comment ?

« L’école ne lui correspond pas. Mon enfant est HPI, vous savez ? Haut potentiel intellectuel ! — Eh bien madame, il ne s’agirait pas qu’il le reste… » Cet échange authentique rapporté par un ami n’est-il pas comique ? Pauvre mère qui, au lieu de reconnaissance et d’empathie, aura récolté cette piquante remarque : voyons si ce gamin mal éduqué est vraiment aussi talentueux que présumé, au lieu de larmoyer sur son inadaptation.

Ces dernières années, la surdouance est devenue un véritable sujet de société. Pourtant, le taux de population HPI, c’est-à-dire ayant un QI supérieur à 130, reste constant (à 2,3 %). En France, l’ouvrage Trop intelligent pour être heureux ? (Odile Jacob, 2008) de la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, vendu à 240 000 exemplaires, a ouvert le bal d’une littérature particulièrement prolifique – 780 résultats à la recherche « livre HPI » sur Amazon ! La série de TF1 intitulée HPI a quant à elle attiré plus de 280 millions de vues.

Au-delà de la surdouance, l’intérêt s’élargit à toute forme de fonctionnement cérébral atypique, avec un catalogue qui n’en finit pas de s’étoffer : zèbre, hypersensible, TDAH (troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), HPC (haut potentiel créatif), HQI (haut quotient intellectuel), HPE (haut potentiel émotionnel), empathie, multipotentiel, hypercréatif, … À chacune de ces spécificités correspond une communauté sur les réseaux sociaux – sur Facebook, le « Groupe de discussion TDAH » réunit 22 000 membres ; sur TikTok, les vidéos « hypersensibilité » atteignent les centaines de milliers de vues…

Si, au départ, les parents d’enfants scolarisés étaient les principaux concernés, l’intérêt gagne le monde adulte… y compris professionnel. Fatalement, on en vient à se demander s’il s’agit d’un vrai besoin ou d’un effet de mode, et si l’entreprise doit chercher à s’adapter à ces particularités – et si oui, comment.

 

“On a progressivement pathologisé le HPI en le rattachant à un ensemble d’attributs et comportements négatifs”

—Nicolas Gauvrit, spécialiste des sciences cognitives

 

La foire aux stéréotypes

« Il y a quinze ans, des dérives ont commencé, explique le mathématicien spécialisé en sciences cognitives Nicolas Gauvrit. Quand des spécialistes récupéraient des patients anxieux, il était plus valorisant et flatteur d’attribuer leur inadaptation sociale à de l’intelligence. On a progressivement pathologisé le HPI en le rattachant à un ensemble d’attributs et comportements négatifs. » Si l’« adulte atypique » est devenu un business à part entière, c’est aussi en se fondant sur des confusions scientifiques : « l’idée, par exemple, que les HPI auraient des difficultés à s’intégrer, se sentiraient volontiers décalés et seraient forcément hypersensibles », est scientifiquement fausse. De même, avec cette idée répandue que « les HPI auraient une “pensée en arborescence” : certains pensent qu’ils auraient des idées à profusion, qui les submergeraient au point d’avoir des difficultés à répondre à des questions simples – là encore, c’est faux, cela relève du trouble de l’attention ou de la schizophrénie. ». Résultat : « Le HPI et l’autisme sont parfois confondus, même chez certains psys ! » Autant d’idées répandues qui affermissent la tentation d’associer un décalage social, attentionnel ou émotionnel à une forme d’intelligence.

Une littérature complaisante et approximative participe à la diffusion de ces fausses informations : « Quand Jeanne Siaud-Facchin publie son fameux livre, note le scientifique, elle comptabilise un tiers d’échec scolaire chez les HPI : c’est un mensonge – l’autrice l’a reconnu elle-même. Ce qui ne l’a pas empêchée de décliner sa rengaine dans une version adulte, en diffusant l’idée qu’un tiers des adultes HPI étaient en échec professionnel, déplore Gauvrit…

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