Sigles, anglicismes, expressions bizarres… Chaque entreprise utilise des codes linguistiques spécifiques, parfois partagés avec d’autres du même secteur. Si ce jargon de bureau peut agacer, il remplit néanmoins d’importantes fonctions en matière de communication et d’intégration.
Esteban est commercial dans une « scale-up ». L’interview vient de commencer et j’ai déjà besoin d’un dictionnaire. « En gros, explique-t-il, c’est une ancienne start-up qui est devenue trop importante et trop ancienne pour être encore considérée comme telle. L’activité est désormais bien développée, on n’est plus dans une logique de recherche de financements et d’investissement, le but est plutôt de pérenniser l’activité et d’instaurer une croissance durable. » En deux petits mots, « scale-up », Esteban a donc résumé une description encyclopédique. Opaque pour le néophyte, l’expression peut certes agacer en dehors du petit monde de l’économie de l’innovation, mais elle a le mérite de décrire une réalité spécifique, pour laquelle un nom dédié est utile au quotidien.
N’empêche que le parler de bureau a mauvaise presse. « J’essaye de me forcer à ne pas dire “faire un call”, précise Esteban, car je n’aime pas les anglicismes. En même temps, j’ai beaucoup de mal à dire “faire un appel”. Ça fait bizarre, on dirait que ça n’a pas le même sens ni les mêmes connotations. » Quand un anglicisme ou un acronyme nous échappe en dehors du bureau, il fait sourire ; certains dénoncent un langage incompréhensible, superficiel voire déshumanisant. Même en interne, des collègues peuvent déplorer cette « novlangue » managériale, utilisée pour glisser sous le tapis les angles morts d’un projet, les sujets qui fâchent ou encore des souffrances larvées. Parfois fondés, ces reproches occultent toutefois la diversité des parlers organisationnels et leurs fonctions. Faut-il nécessairement vouloir la mort du jargon de bureau ?
“Le travail en entreprise, ou de manière plus large dans une organisation, nécessite l’appropriation des signes correspondants à sa culture”
—Dardo de Vecchi, linguiste
Les fonctions du jargon
Une langue d’entreprise est ce que les linguistes appellent un « sociolecte », une variante propre à une catégorie de locuteurs et de locutrices. Les frontières en restent évidemment poreuses : tout ou partie d’un sociolecte est généralement commun à différentes équipes, à plusieurs sociétés du même secteur d’activité, et…
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