Depuis la création du statut d’« entreprise à mission » en 2019, de plus en plus d’entreprises se vouent à améliorer la société. À quoi ce statut engage-t-il vraiment ? Qu’est-ce qu’une bonne mission pour une entreprise ? Comment s’assurer que l’économique n’en vienne pas à empiéter sur le champ du politique ? On fait le point.
Saviez-vous que Carrefour s’est donné la mission d’assurer la « transition alimentaire » ? Ou que la plateforme numérique Doctolib s’est engagée à « oeuvrer pour un monde en meilleure santé » ? L’une comme l’autre font partie des 1311 entreprises à mission répertoriées à ce jour. Elles ont fleuri depuis la loi Pacte de 2019, qui accorde ce qualificatif de « société à mission » aux entreprises inscrivant des objectifs sociaux et environnementaux à leur raison d’être.
Les entreprises à mission sont nées aux USA en 2010, sous le doux nom de « Benefit Corporation » – B Corp pour les intimes. Depuis le début du XXe siècle, le droit des sociétés outre-Atlantique reposait sur le concept de « primauté des actionnaires » : une entreprise était uniquement tenue de maximiser le gain financier dans l’intérêt des détenteurs de son capital. Avec la B Corp, il est devenu possible de rediriger son activité vers un objectif sociétal ou environnemental qui puisse résister aux changements d’administrateurs ou aux volontés des actionnaires.
Comme souvent avec les bonnes idées, celle-là ne tarde pas à traverser l’Atlantique. Dans un article de 2014 intitulé « Repenser les finalités de l’entreprise », les chercheurs Blanche Segrestin, Kevin Levillain et Armand Hatchuel dessinent les grandes lignes de ce changement de cap, y intégrant l’exigence de durabilité des activités économiques. Avec succès : en 2019, ces réflexions sont intégrées dans la loi Pacte. Grâce à une simple ligne ajoutée au Code civil autorisant les entreprises à « être gérée dans [leur] intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (art. 1833), les entreprises à mission étaient nées.
Repoudrage statutaire ou véritable engagement ?
Que l’on ne s’y trompe pas : ce changement statutaire ne se réduit pas à une mesure RSE. N’y voir que du « fairwashing », cette opération de communication consistant à mettre en valeur des actions sociales ciblées pour lifter son image et s’assurer des subventions publiques, c’est manquer la dimension concrète de ces entreprises.
“Une bonne mission doit tendre à l’amélioration de la société dans son ensemble, mais pour cela, agir sur un champ d’action restreint et concret”
Les entreprises « missionnaires » ne font pas que définir une raison d’être, elles définissent également des objectifs ainsi que les moyens pour les atteindre. Le tout devant être évaluable – et donc tangible – par un comité de mission (ou un référent mission, pour les TPE) devant publier un rapport annuellement. Il ne s’agit donc pas, comme le précisent les auteurs de l’article « Repenser la finalité d…
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